GEA - Groupe Ethique de l'ARESSAD

Le prendre soin nait d’une pensée humaniste
et vit dans le partage d’actions pour les humains.

Pensée-cadre issue d’échanges entre les membres du groupe (2019).

Document GEA
Groupe Ethique de l'ARESSAD

Des questions et notre reflexion

L'ARESSAD (Association des Responsables des Services de Soins à Domicile) par le biais de ce forum, vous invite à la réflexion éthique, à prendre de la distance sur le monde tel qu’il est formaté.
Rappelons que le GEA (Groupe Ethique de l’ARESSAD) entend par « domicile » tout lieu de résidence dans lequel doit être respecté la dignité d’une personne, pilier inaliénable de la morale soignante.
Posez vos questions au GEA afin qu’il vous apporte ses réflexions, commentez nos avis, faites part de vos accords et de vos désaccords, faites des retours d’expériences sur le forum…

Le but est de ne pas se contenter de l’inertie de l’époque, de montrer qu’une pensée alternative aux dogmes, dissidente sans persécuter est possible, que le mieux est possible.

Imprimer la pageQuelle est l importance du langage dans notre société. En a t on oublié le sens, le sens des mots, le sens de notre métier de soignant? Quel est le sens du mot soignant ? Quelles sont les valeurs profondes de ce métier qui lui donne tout son sens, sa légitimité, sa dignité,son humanité si souvent bafouée aujourd’hui?

La sémantique du langage soignant ?

le 12/02/2020 par cecile ricard - infirmiere

Quelle est l importance du langage dans notre société. En a t on oublié le sens, le sens des mots, le sens de notre métier de soignant? Quel est le sens du mot soignant ? Quelles sont les valeurs profondes de ce métier qui lui donne tout son sens, sa légitimité, sa dignité,son humanité si souvent bafouée aujourd’hui?


La réflexion du GEA :

le 12/02/2020 par Groupe Ethique de l'Aressad
 
Pendant nos réunions du GEA, à force d’entendre et vivre tout ce que nous entendons et vivons, nous nous sommes dit qu’il était peut-être temps de se reposer la question de l’existence d’une éthique du verbe. En effet, depuis un petit bout de temps maintenant, dans les établissements et services, combien de réunions creuses, combien de propos violents rythment le quotidien du soin ?!... Il y aurait pléthore de questions qui démontreraient notre perte progressive et volontaire d’humanité, notre robotisation… Alors n’oublions pas que choisir ses mots donne du sens à notre pensée puisqu’ils la traduisent. Ainsi, pensées, mots et actes ne se dissocient pas ; les uns renseignant les autres…

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La sémantique soignante : à la recherche du bon sens  


« Sémantique » (nom féminin et adjectif) : étude du sens, qui concerne la signification.

Il est donc parfois bon d'appuyer sur le bouton pause et de réinterroger le sens des mots qui constituent notre langage. Il nous distingue de l'animal, nous définit en tant qu'être humain, nous permet d'exprimer notre pensée, de communiquer nos besoins, d'échanger des informations et, en l’occurrence, il est un outil de questionnement sur notre métier. Car pourquoi ce mal-être aujourd’hui ? Avons-nous perdu le sens des mots de notre métier de soignant ?

Les langages des soignants leurs permettent d'aller à la rencontre de l’autre dans l’espoir de le soigner. Et soigner signifie avant tout de s'intéresser à l’autre, de vouloir s'impliquer dans une relation interpersonnelle, dans la bienveillance, l’authenticité, le respect… Ainsi, le langage et la parole font d’emblée actes de soins ! Le dialogue soignant-soigné est capital pour la relation avec le patient et la qualité d’accompagnement. L'usage d’un langage spécialisé, empreint de termes techniques, comme le jargon médical par exemple, peut amener à une dépersonnalisation du patient ; ce dernier ne se sentant alors pris en compte qu’au travers de sa maladie… C’est pourquoi le dialogue d’égal à égal est un élément incontournable d'une relation de confiance entre le soignant et le soigné.

Aujourd’hui, un constat s'impose : la communication se fait mal. Et la plupart des litiges, voire des conflits, sont liés à une carence de communication. Alors essayons de comprendre l’origine de cette carence au travers de la sémantique du langage soignant ; au travers des mots qui nous définissent, nous, les soignants, puisque les mots portent des valeurs morales chères à nos métiers. Mais pourquoi est-il si dur de les exercer de nos jours ?

La fonction de soignant, si profondément humaine, est confrontée à une multitude questions d'ordre éthique. La transformation de la psychologie et de la sociologie du travail a amené un novlang d’entreprise dans l’univers du soin. Ainsi, les technologies, l’informatisation, les modes de gestion et d'évaluation, de contrôle, transforment le langage dans notre métier… Pourtant, chacun devrait veiller à ce que son propre langage reste accessible à l’autre, afin qu’à travers chaque relation interpersonnelles s’actent prendre soin et bien-être ; et peut-être, parfois, guérison…

Aujourd’hui, ce n’est plus dieu qui divise les hommes par le biais de leurs langues, ce sont les hommes eux-mêmes qui se divisent par leurs langages, car la communication n’est pas que transmettre des informations d’entreprise… Sinon, le soignant n’est plus qu’un exécutant de tâches définies par des logiciels, des algorithmes, des protocoles, tout cela au détriment de la relation interpersonnelle donnant toute son humanité au soin.

Et le patient dans tout çà
Les abus de langage sont partout. « Je vais prendre un arrêt de travail ». Non, c’est un médecin qui prescrit un arrêt de travail pour raison de santé. « Je vais faire la 69 ». Non, un soignant va s’occuper de la personne qui est dans la chambre 69. « Vous voulez quoi pour votre douleur ? ». Non, ce sont les soignants qui doivent savoir quoi proposer pour soulager la douleur. « Bonjour ma p’tite dame » (ou mon p’tit monsieur) ; non… Non. Non ! 
 
Il nous semble nécessaire de reprendre conscience que la communication soignante doit résister à un langage abusif ou d'entreprise, déshumanisé et déshumanisant, ou infantilisant, puisque nous avons tous la faculté de soigner notre langage et notre communication, non ?
 
Rappelons que la personne soignée est censée être l’acteur principal de la restauration de sa santé ; sans quoi : pas d’amélioration possible en cas de maladie… Pour ce faire, le jargon socio-médical et psychologique doit rester compréhensible. Pourquoi ? Parce qu’un langage accessible au patient le rend « agissant » et non « subissant ». Le « patient-acteur » passe ainsi avant tout par le langage des soignants… En effet, au hasard, pourquoi parler de cholécystographie pour informer un patient qu’il faudrait qu’il passe une radio de la vésicule ?...


Le patient n’est pas qu’un objet de soins techniques déshumanisés : il est avant tout en relation avec le soignant. Si nombre de soins impliquent une relative passivité du patient, certains ne sauraient être possibles sans sa participation active. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de la prévention, où la notion de soins rejoint celle des comportements des patients, ceux-ci étant acteurs au sens où ils doivent directement agir sur leurs propres comportements…
 
Notre langage indique volontiers quelle conception de lui nous renvoyons à autrui. Prenons le cas d’une expression communément entendue : celle de « prise en charge ». A en croire le langage courant, les soins dispensés seraient une charge, dont l’objet peut être multiple (coût, temps…). Ce mot, charge, renvoie directement à la notion de contrainte. Dès lors, comment un patient appréhendé comme une charge pourrait-il se sentir valorisé, lui qui est alors décrit comme un poids ? Oui, l’image renvoyée au patient est bien différente si sa « prise en charge » devient « prise en soins ». Si d’un poids il devient un centre d’intérêt... Bref, en un mot, nous passons du patient-contrainte à une personne à laquelle nous nous intéressons ! Deux expressions presque semblables, mais un monde entre deux façons d’aborder un patient. Ainsi, reconnaitre le patient comme acteur à travers le langage et la communication, permet de rétablir entre le soigné et le soignant une relation d’équité que la vulnérabilité de l’un et/ou le savoir de l’autre seraient venus entraver.

 

Est-ce que dans un établissement-entreprise (un commerce), le patient-acteur est roi ?


Aujourd’hui les établissements sanitaires et sociaux sont considérés comme des entreprises de services tournées vers des clients ; conception allant à l’encontre des idéaux initiaux des établissements, et donc des soignants, davantage d’inspiration caritative… Cette logique entrepreneuriale est aujourd’hui une réalité liée à une conséquence de l’évolution sociétale, notamment économique, qui, entre autres, amène les pouvoirs publics à une rationalisation accrue de la gestion des fonds. Il faut aujourd’hui composer avec cette réalité en essayant d’y trouver un sens compatible avec les valeurs soignantes, si toutefois un tel sens existe !...
 
Une fois les maux identifiés, un choix s'offre à nous : accepter ce changement, pratiquer notre métier comme dans une entreprise, et ainsi accepter de perdre ce titre de soignant ; ou préserver nos attitudes d’attention envers l’autre, d’écoute, de solidarité, qui permettent de rester humain et de préserver le sens de notre métier. Quoi qu’on décide, nous sommes tous responsables de nos choix et de leurs impacts. Déjà dans le langage, la responsabilité de chacun n’est pas qu’un fait : c’est une valeur éthique.

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