Hospitalisation abusive ou non?
le 17/07/2019 par claude neuvens - infirmier
Jusqu’où accepte-t-on le refus d’hygiène et le refus de soin chez une personne âgée avant d’évoquer une mise en danger et provoquer une hospitalisation sous contrainte par le tiers susnommé ? »
La réflexion du GEA :
le 17/07/2019 par Groupe Ethique de l'Aressad
3 professionnels de structures et de métiers différents qui ont travaillé ensemble sur la situation d’une personne.
« La situation concerne un usager très âgé, présentant d’importants soucis d’hygiène corporelle et domestique qui pourraient être problématiques pour sa santé.
Cette personne refuse les soins, elle n’a pas de médecin traitant depuis une dizaine d’années. Dans le déni de ses difficultés elle s’est peu à peu isolée de ses enfants, refusant leurs visites. Seul un fils vit avec elle.
Des éléments d’inquiétude sont remontés au niveau départemental. Une réunion de concertation est organisée afin de réfléchir à une ligne de conduite à moyen terme.
Durant cette réunion, les objectifs sont modifiés et il est mis en avant l’urgence de la situation qui nécessite une solution rapide. Il nous est demandé d’intervenir dans les plus brefs délais afin d’amener la personne vers une hospitalisation, soit volontaire, soit sous contrainte.
Il s’agissait de faire adhérer l’usager à une démarche de soin immédiate avec ou sans son consentement.
Un important travail par les professionnels médico-sociaux et sanitaires était en cours pour l’acceptation d’un passage infirmier, la création d’un lien de confiance avec la personne et son fils.
L’hospitalisation a eu lieu précipitamment, indépendamment du travail en cours ; à la demande d’un tiers non médecin et non impliqué dans le travail de suivi et d’acceptation des soins.
Jusqu’où accepte-t-on le refus d’hygiène et le refus de soin chez une personne âgée avant d’évoquer une mise en danger et provoquer une hospitalisation sous contrainte par le tiers susnommé ? »
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De l’impact d’un fait de prince sur le travail pluridisciplinaire »
Avis :
Dans leur pratique quotidienne, les professionnels qui composent le GEA constatent que les problématiques et interrogations que reflète cette saisine sont fort récurrentes. En préambule de cet avis, ils soulignent donc son importance, car cette saisine renvoie, en réalité, à de très nombreuses situations…
En effet, nous constatons que le contexte social global de ces dernières années a été marqué par une forte augmentation du nombre de mesures de protection pour les personnes âgées ; probable signe d’un changement de forme de solidarité familiale ou de voisinage.
Nous constatons également que:
- Il est fréquent qu’un seul organisme (sup)porte exclusivement telle ou telle situation complexe avant de faire (souvent tardivement) appel à un ou des autres dispositifs plus spécialisés en termes de coordination, notamment.
- Le manque de moyens humains induit moins de temps à consacrer à chaque personne à aider et que, dès lors, ce sont moins les situations qui sont suivies que les urgences qui sont traitées ;
- On ne tolère plus qu’il faille du temps à une personne vulnérable pour accepter l’aide qu’on lui propose, ou qu’une relation humaine qui n’a ni impact immédiat, ni visibilité exacerbée, soit pourtant fondamentale dans le prendre soin ;
- La notion de danger est arbitrairement aléatoire ;
- Au titre d’une norme quelconque, on annihile en un instant le travail de longue haleine de toute une équipe ; • la prévention est prônée sans qu’elle soit mise en œuvre ;
- Protéger une personne malgré elle a quelque chose de subtil et délicat. • Etc.
Bref, traiter une saisine consiste souvent à élever une question hors du substrat de nombreuses autres et à laquelle tenter de répondre avec mesure est aussi un défi…
- Après les constats, cette saisine a donc soulevé pléthore de questionnements empreints d’une certaine indignation :
- Être très âgé est-il pathologique ?
- Existe-t-il une norme légale d’hygiène à domicile ?
- N’a-t-on pas la liberté de ne pas vouloir s’inscrire dans un parcours de soins ?
- Est-ce sans conséquence d’aliéner une cellule familiale ?
- Quel intérêt a le travail pluridisciplinaire si la décision d’un seul suffit à solder une situation sociale ?.
- A travers ces questions, nous avons déduit, qu’en l’occurrence, la personne accompagnée était lambda, dans le sens où aucun élément de péril ne semblait exister pour elle ou son entourage, et qu’elle n’était pas reconnue légalement comme incapable de prendre des décisions pour elle-même. Alors quoi ?
Rappelons que le GEA n’a ni vocation, ni compétence à se prononcer sur la finalité des situations. En revanche, il peut, comme tout un chacun, discuter les méthodes, dans le cadre de sa démarche de réflexion éthique. In fine, notre groupe a retenu la question suivante : l’éthique d’un tiers non médecin et non impliqué dans un travail de suivi et d’acceptation de soins doit-elle prévaloir sur l’éthique collégiale d’une équipe pluridisciplinaire accompagnant une personne ?
Dès lors, nous tentons de faire la part des choses et arrivons à l’idée que, selon les valeurs qui doivent animer le prendre soin, travailler en équipe pluridisciplinaire comporte une complexité intrinsèque. Celle-ci ne saurait être balayée par un jacobinisme contradictoire avec le droit actuel des personnes, même vulnérables, à décider pour elles-mêmes selon l’éclairage des professionnels qui l’entourent. N’est-ce pas a contrario d’une pensée unique motivée par des principes de précaution que la Bientraitance devrait s’incarner ? Dans des convictions croisées, la communication entre tous les acteurs, y compris, nous le rappelons, avec la personne accompagnée elle-même, pour des décisions et des actions mesurées, doivent conduire à une satisfaction relative de chacun !
Mettre en œuvre ces postulats permet de passer de l’émotion à l’intellectualisation, afin que chacun se centre sur son rôle et ses limites, et que tous trouvent une place et respecte celle d’autrui. C’est un travail long et difficile qui va à l’encontre de l’idée selon laquelle la dignité de l’un d’entre nous pourrait être normée par l’idée d’un seul autre.
En République, en Démocratie, en France, jusqu’à présent, il est convenu que le Contrat Social s’exerce au détriment de méthodes princières. A cette lumière, chacun doit se positionner en conscience, puis assumer la portée de ses actions et la forme de « traitance » qui en résulte.
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