GEA - Groupe Ethique de l'ARESSAD

Le prendre soin nait d’une pensée humaniste
et vit dans le partage d’actions pour les humains.

Pensée-cadre issue d’échanges entre les membres du groupe (2019).

Document GEA
Groupe Ethique de l'ARESSAD

Des questions et notre reflexion

L'ARESSAD (Association des Responsables des Services de Soins à Domicile) par le biais de ce forum, vous invite à la réflexion éthique, à prendre de la distance sur le monde tel qu’il est formaté.
Rappelons que le GEA (Groupe Ethique de l’ARESSAD) entend par « domicile » tout lieu de résidence dans lequel doit être respecté la dignité d’une personne, pilier inaliénable de la morale soignante.
Posez vos questions au GEA afin qu’il vous apporte ses réflexions, commentez nos avis, faites part de vos accords et de vos désaccords, faites des retours d’expériences sur le forum…

Le but est de ne pas se contenter de l’inertie de l’époque, de montrer qu’une pensée alternative aux dogmes, dissidente sans persécuter est possible, que le mieux est possible.

Imprimer la pageSaisine du 24.03.15. Auteur : professionnel de santé (IDE), non membre du GEA. Situation : « Madame X, 84 ans, veuve, plusieurs enfants hors département, présente des troubles cognitifs débutants nécessitant une évaluation. Madame exprime sa difficulté à prendre son traitement per os + collyre + bas à varices. Pas de prise en charge possible par IDE libérale car hors nomenclature. Pas de prise en charge possible par SSIAD car pas assez de soins. La distribution des collyres ne relève pas de la mission des AVS. Les médecins font des prescriptions pour passage IDE mais elles ne sont pas valables. Le risque d’hypertension artérielle est très important chez cette dame en cas de non observance du traitement ».  
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L'administration des médicaments

le 17/07/2019 par claude neuvens - iinfirmier

Saisine du 24.03.15. Auteur : professionnel de santé (IDE), non membre du GEA. Situation : « Madame X, 84 ans, veuve, plusieurs enfants hors département, présente des troubles cognitifs débutants nécessitant une évaluation. Madame exprime sa difficulté à prendre son traitement per os + collyre + bas à varices. Pas de prise en charge possible par IDE libérale car hors nomenclature. Pas de prise en charge possible par SSIAD car pas assez de soins. La distribution des collyres ne relève pas de la mission des AVS. Les médecins font des prescriptions pour passage IDE mais elles ne sont pas valables. Le risque d’hypertension artérielle est très important chez cette dame en cas de non observance du traitement ».


La réflexion du GEA :

le 17/07/2019 par Groupe Ethique de l'Aressad
 
Avant-propos : 
Les valeurs qui fondent la médecine impliquent qu’un traitement proposé à une personne ne doit nuire ni à son espérance, ni à sa qualité de vie. C’est donc en priorité que le médecin doit s’intéresser à la manière dont le traitement pourra être suivi par son patient, ou lui sera administré. Omettre cette dimension lors de la prescription d’un traitement peut augmenter considérablement les risques iatrogènes, notamment en termes de responsabilités des personnes gravitant autour de l’usager, professionnelles ou non, et intéressées par la question des médicaments.  
 
Problématique soulevée par la saisine
Une personne âgée en situation d’isolement familial exprime spontanément sa difficulté à suivre son traitement médicamenteux. Les infirmiers libéraux et les Services de Soins Infirmiers A Domicile ne veulent pas intervenir car la prescription du médecin traitant fait état de soins hors nomenclature de remboursement, ou ne semblant pas correspondre à leurs missions. Les autres professionnels qui l’accompagnent (auxiliaires de vie, travailleurs sociaux…), ne sont pas nécessairement autorisés (au plan légal) à administrer les médicaments. Mais, dans le même temps, ils sont conscients des risques d’aggravation de l’état de santé de cette personne en cas de mauvaise observance des traitements.  

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Au quotidien, il n’est pas rare que les intervenants à domicile (auxiliaires de vie, travailleurs sociaux…) soient amenés, par exemple, à repositionner bas ou bandes de contention, à appliquer des crèmes, ou à mettre des gouttes dans les yeux des personnes âgées ou handicapées qui ne peuvent le faire elles-mêmes. Ces dépassements de compétences relèvent certes de l’humanisme des intervenants, mais renvoient aussi à la question de la responsabilité que prend chacun. 
 
Dans ce genre de situation, il semble logique qu’un questionnement éthique envahisse tous les professionnels du care* qui interviennent. Plus particulièrement, les professionnels chargés de l‘évaluation et de la définition des plans d’aide** se retrouvent face à un dilemme spécifique à leur mission.  
 
*Focus sur l’éthique du care : 
 
Le substantif anglais "care" peut se traduire en français par les termes "attention",         "sollicitude", "soin". Il souligne deux dimensions du care, toujours liées : une attitude personnelle (l'attention et la sollicitude), dans un travail (celui de prendre soin). Le travail de « prendre soin » implique donc une certaine responsabilité par rapport à un besoin identifié, et détermine la nature de la réponse à apporter. 
 
En observant la réalité de terrain, on constate que les activités du care sont essentiellement féminines et concernent des emplois domestiques ou des emplois du secteur sanitaire et social. 
Les professionnels du care ont ainsi une mission « d’évaluation de la réponse à apporter ». Cette évaluation guide les réflexions et permet de se positionner lorsqu’il s’agit de produire des actes. 
**Focus concernant les dispositifs de soutien à domicile : 
 
Les travailleurs médico-sociaux (infirmiers, assistants sociaux) ont pour mission de définir, avec l’usager et ses aidants, un plan d’aide à domicile qui doit permettre de compenser au mieux certaines incapacités de la personne à réaliser des actes de la vie courante. 
 
Ainsi, afin de ne pas mettre en « danger professionnel » d’autres intervenants telles que les auxiliaires de vie sociale (souvent hors de la chaine sanitaire), les travailleurs médicosociaux doivent être capables d’informer et, le cas échéant, de renvoyer l’usager, son entourage et les autres professionnels (médecins, IDE…) à leurs responsabilités. 
 
Position du GEA
 
La question de l’administration des médicaments par des personnes « non-habilitées » se fait de plus en plus prégnante compte tenu de l’isolement croissant des personnes âgées (veuvage, éloignement de l’entourage naturel…). Nous avons rappelé en préalable, que le médecin doit évaluer la capacité d’une personne à prendre ou non son traitement, et que c’est de cette évaluation et de cette décision que dépendra la conduite à tenir pour l’usager, par lui-même et par son entourage, professionnel et non professionnel. 
Tous les professionnels qui interviennent au domicile d’une personne voient leurs actes soumis à la dynamique des décrets de compétences et des circulaires. Oublier ce principe, c’est, pour les personnes non habilitées à administrer des médicaments, prendre un risque et en faire courir un aux personnes aidées. Au regard de la réglementation, la conduite à tenir n’a rien d’équivoque (cf. articles L4111-1, L4311-1 et L4161-1 du Code de la Santé Publique, notamment).  
 
Concrètement, d’un point de vue sémantique et pragmatique : mettre un comprimé dans la bouche ou dans la main, c’est administrer. Donner un verre d’eau, c’est aider à la prise. Et il est important de noter que, certes, chacun peut aider à la prise, mais que tout le monde n’a pas le droit d’administrer des médicaments. 
 
Dans le contexte de réflexion qui l’intéresse et qui conduit à la rédaction du présent avis, le GEA rappelle que les actes infirmiers ne sont ni systématiquement, ni obligatoirement pris en charge au titre de l’assurance maladie. Ils peuvent être à la charge intégrale du patient. Ils deviennent alors une prestation de service lambda, au même titre qu’une aide pour la toilette, ou pour faire les courses… C’est également au regard de cette information, que le médecin, la personne, ou son représentant légal, pourra prendre une décision éclairée sur les modalités d’administration d’un traitement.  
 
Conclusion éthique
  • Au décours de sa réflexion, le GEA considère qu’avoir des difficultés à prendre soi-même son traitement médicamenteux peut porter atteinte à la dignité de la personne, au même titre qu’avoir des difficultés pour d’autres activités essentielles de la vie quotidienne. 
  • L’aide à apporter doit répondre au principe moral, déontologique, de ne pas faire de mal, quelles que soient les circonstances, et chacun (professionnel, usager et entourage) doit savoir évaluer les risques de faire ou de ne pas faire, et en assumer les responsabilités.  
  • La dimension participative de l’usager, en termes de capacités, doit nécessairement être appréhendée avant de décider des modalités d’administration d’un traitement.  
  • Pour les professionnels, quels qu’ils soient, savoir respecter et faire respecter le « bon cadre », ne pas dire « oui à tout », est un enjeu majeur du soutien à domicile. Quand le problème se pose, c’est bien la recherche active, collective, et non standardisée de la meilleure solution possible qui permettra l’aide la mieux adaptée. 
 
*Extrait du CSP (art. L4161-1) : 
Exerce illégalement la médecine :
 
  • Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 4131-1 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5 ;  
  • Toute personne qui se livre aux activités définies au 1° ci-dessus sans satisfaire à la condition posée au 2° de l'article L. 4111-1 compte tenu, le cas échéant, des exceptions apportées à celle-ci par le présent livre et notamment par les articles L. 4111-7 et L. 4131-41 ;  
  • Toute personne qui, munie d'un titre régulier, sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant son concours aux personnes mentionnées aux 1° et 2°, à l'effet de les soustraire aux prescriptions du présent titre ;  
  • Toute personne titulaire d'un diplôme, certificat ou tout autre titre de médecin qui exerce la médecine sans être inscrite à un tableau de l'ordre des médecins institué conformément au chapitre II du titre Ier du présent livre ou pendant la durée de la peine d'interdiction temporaire prévue à l'article L. 4124-6 à l'exception des personnes mentionnées aux articles L. 4112-6 et L. 4112-7 ;  
  • Tout médecin mentionné à l'article L. 4112-7 qui exécute des actes professionnels sans remplir les conditions ou satisfaire aux obligations prévues audit article.  
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux étudiants en médecine ni aux sages-femmes ni aux pharmaciens biologistes pour l'exercice des actes de biologie médicale, ni aux infirmiers ou gardes-malades qui agissent comme aides d'un médecin ou que celui-ci place auprès de ses malades, ni aux personnes qui accomplissent, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Académie nationale de médecine, les actes professionnels dont la liste est établie par ce même décret. 
*Citation de la circulaire DGS/PS3/DAS n° 99-320 du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments : 
 
Le Conseil d'Etat a estimé que la distribution de médicaments, lorsqu'elle correspondait à l'aide à la prise d'un médicament prescrit apportée à une personne empêchée temporairement ou durablement d'accomplir ce geste, ne relevait qu'exceptionnellement du champ d'application de l'article L. 372. Les restrictions exceptionnelles évoquées par le Conseil d'Etat correspondent : soit au mode d'administration (par exemple une injection), soit au médicament lui-même (nécessité d'une dose très précise de la forme administrable) et, inversement, lorsque la distribution du médicament ne peut s'analyser comme une aide à la prise apportée à une personne malade empêchée temporairement ou durablement d'accomplir certains gestes de la vie courante. Dans ce cas, elle relève de la compétence des auxiliaires médicaux habilités à cet effet, en application des dispositions de l'article L. 
372. En ce qui concerne les infirmiers, ceux-ci seront compétents soit en vertu de leur rôle propre, soit en exécution d'une prescription médicale (art. 3 et 4 du décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier). Le libellé de la prescription médicale permettra, selon qu'il sera fait ou non référence à la nécessité de l'intervention d'auxiliaires médicaux, de distinguer s'il s'agit ou non d'actes de la vie courante.  
 
*Extrait du CSP (art. L372) : 
Exerce illégalement la médecine [*interdiction*] :
 
  • Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies ou d'affections chirurgicales, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre de la Santé publique pris après avis de l'Académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 356-2 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales visées aux articles L. 356, L. 357, L. 357-1, L. 359 et L. 360 ; 
  • Toute personne qui se livre aux activités définies au 1er ci-dessus sans satisfaire à la condition [*de nationalité*] posée au 2° de l'article L. 356 du présent titre compte tenu, le cas échéant, des exceptions apportées à celle-ci par le présent code et notamment par ses articles L. 357 et L. 357-1 ; 
  • Toute personne qui, munie d'un titre régulier, sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant son concours aux personnes visées aux paragraphes précédents, à l'effet de les soustraire aux prescriptions du présent titre ; 
  • Toute personne titulaire d'un diplôme, certificat ou tout autre titre de médecin qui exerce la médecine sans être inscrite à un tableau de l'Ordre des médecins institué conformément au chapitre II du présent titre ou pendant la durée de la peine d'interdiction temporaire prévue à l'article L. 423 à l'exception des personnes visées à l'article L. 356, dernier alinéa, du présent titre ; 
  • Tout médecin mentionné à l'article L. 356-1 du présent code qui exécute des actes professionnels sans remplir les conditions ou satisfaire aux obligations prévues audit article. 
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas [*non*] aux étudiants en médecine ni aux sages-femmes, ni aux infirmiers ou gardes-malades qui agissent comme aides d'un docteur en médecine ou que celui-ci place auprès de ses malades, ni aux personnes qui accomplissent dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'académie nationale de médecine les actes professionnels dont la liste est établie par ce même décret. 
*Décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession

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